Pouvez-vous conduire avec une déficience visuelle ?
On sait que 90% des informations nécessaires à la conduite passent par la vision et que 20% des accidents de la route sont causés par un défaut de vision. La conduite est certainement l’activité qui sollicite le plus nos yeux. La diminution de l’acuité visuelle entraine la baisse de la vitesse de réaction. En effet, en conduisant avec une basse vision (tache, vision floue, éblouissement, etc.), les obstacles sont vus plus tardivement et les panneaux peuvent êtres illisibles.
La majorité des problèmes de vue sont pourtant mineurs (myopie, presbytie, hypermétropie, astigmatisme). Dans ces cas là, il est possible de conduire en toute sécurité avec des lunettes de vues adaptées. Sauf que pour certains, la déficience visuelle est bien plus sévère (Cataracte, Glaucome, dégénérescence maculaire liée à l’âge, Opacités cornéennes, Trachome, Rétinopathie diabétique, etc.). Des problèmes de vue qui obligent, en fonction du niveau de gravité, d’arrêter de conduire. L’arrêt de la conduite est alors souvent vécu comme dramatique par la personne.
Conduire, c’est en effet pouvoir garder son autonomie, faciliter la pratique de loisirs et garder une vie sociale active. Pour les plus jeunes, c’est aussi faciliter les déplacements professionnels.
Mais si conduire est possible avec une déficience visuelle, quand faut-il arrêter de conduire ? Conduire avec une basse vision sévère est-il possible ? Existe-t-il des critères précis permettant de savoir si l’on est apte à conduire ou non ? Quelles sont les obligations légales relatives à la conduite et à la vision ? Y-a-t-il des conditions particulières qui rendent la conduite plus dangereuse lorsqu’on a une déficience visuelle ?
Autant de questions auxquelles nous allons vous répondre, le plus simplement possible.
Ce que dit la loi pour obtenir ou maintenir son permis de conduire.
En France, c’est l’arrêté du 21 décembre 2005 qui définit la liste des contre-indications médicales (et donc visuelles) relatives à l’obtention ou le maintien du permis de conduire. A noter qu’un permis de conduire peut être délivré pour une durée limitée.
Il est stipulé dans cet arrêté du 21 décembre 2005 que la conduite n’est pas compatible avec la déficience visuelle si la vision est inférieure à 5/10 à l’épreuve d’acuité binoculaire (en utilisant les deux yeux ensemble). De plus, si l’un des deux yeux a une acuité visuelle nulle ou inférieure à 1/10, la conduite est incompatible si l’autre œil a une acuité visuelle inférieure à 6/10ème.
Concernant le champ visuel, vous devez pour pouvoir conduire avoir un champ visuel supérieur à 120° en horizontal, et 60° en vertical, avec les deux yeux. Ce champ visuel requis est considéré comme non atteint si un œil devait avoir une acuité nulle ou inférieure à 1/10.
Concernant la conduite de nuit, l’absence de vision nocturne est incompatible. Toutefois, si le champ visuel est normal, une compatibilité temporaire avec la mention restrictive « conduite de jour uniquement » est possible après avis spécialisé.
De plus, depuis le 14 septembre 2010, un autre arrêté précise que lors du passage de l’examen du permis de conduire, l’examinateur peut tester la vue du candidat en demandant de lire une plaque d’immatriculation. Si le candidat n’y arrive pas, celui-ci se verra dans l’obligation de passer un examen médical.
A noter aussi que les troubles de la vision des couleurs comme le daltonisme sont tout à fait compatibles avec la conduite.
Voila ce que dit la loi concernant la conduite et la basse vision. On pourra débattre du fait qu’une fois le permis en poche, il ne soit pas nécessaire de passer un examen médical annuel. Mais ce n’est pas l’objet de cet article.
Ce qu’il est intéressant de souligner, c’est que cette règlementation concernant la vision ne tient pas compte de tous les paramètres liés à la conduite.
Ce qui devrait être pris en compte dans l’évaluation des aptitudes à la conduite
La conduite est certes une tâche visuelle complexe, mais elle utilise aussi de nombreux processus d’acquisition et de traitement de l’information non prises en compte dans cet arrêté. Il est ainsi regrettable que certaines fonctions visuelles, comme la sensibilité aux contrastes et le champ visuel attentionnel, ne soient pas non plus prises en considération.
De même, des études sur simulateur ont démontré qu’il existait un phénomène d’adaptation et de compensation du déficit visuel. Ce phénomène est bien entendu différent pour chaque personne. C’est pourquoi il devrait aussi être pris en compte pour ne pas en défavoriser certains.
Vous l’avez compris, les critères d’évaluation de l’aptitude à la conduite sont complexes. C’est pourquoi la loi est différente d’un pays à l’autre. Ainsi, aux Etats-Unis, certains Etats autorisent la conduite avec des aides visuelles. Dans certains pays du nord de l’Europe, une visite médicale annuelle est obligatoire à partir d’un certain âge. Ce n’est pas le cas en France. En France, chacun est libre de décider d’arrêter de conduire.
Comment évaluer ses aptitudes à la conduite
Une évaluation des aptitudes à la conduite consiste à tester l’acuité (précision), le champ visuel, et la sensibilité au contraste et à l’éblouissement.
Une simple visite chez votre ophtalmologiste peut vous aider à mesurer votre vision. A noter que la mesure de la vision intermédiaire (pour lire le tableau de bord) et de la vision de près ne sont souvent pas réalisées. La distance pour réaliser ce test est de 4 mètres. Faites-lui la demande et celui-ci réalisera les tests requis qui vous aiderons à prendre la bonne décision (continuer à conduire ou non).
Comme il n’existe pas de normes rigoureuses visant à évaluer l’aptitude à la conduite, n’attendez pas forcément un avis tranché de votre ophtalmologiste (Oui ou Non). Car celui-ci n’a pas le droit de vous interdire de rouler avec votre voiture. De plus, aucun médecin ne peut prévenir les autorités de votre handicap visuel en raison du secret médical.
Faut-il déclarer son handicap visuel ?
Cela dépend des pays. En France, il n’y a aucune obligation à déclarer un handicap visuel après l’obtention du permis de conduire. Toutefois après un accident, vous pouvez être référé devant les tribunaux pénal et civil si la cause de l’accident est liée à un handicap visuel sévère.
Quelle est l’influence de la météo sur la conduite
Par grand soleil, vous pouvez être ébloui. C’est le cas de tout le monde, mais particulièrement des personnes atteintes d’une DMLA.
Les jours de neige, de pluie ou de brouillard, les contrastes sont moins importants et moins évidents. De plus, la fatigue visuelle se fait plus rapidement ressentir.
La nuit, c’est le manque de contraste qui rend difficile voire impossible la conduite de nuit. A cette difficulté s’ajoute celle de l’éblouissement par les phares de voiture que l’on croise.
Les autres causes de gêne lorsque l’on conduit
On a souvent tendance à l’oublier, mais un pare-brise rayé, des rétroviseurs mal réglés ou des phares trop vieux ou simplement sales sont aussi des causes de gêne lorsque l’on conduit. N’hésitez donc pas à les remplacer pour gagner en confort visuel et augmenter un peu plus votre durée de conduite.
Il ne faut pas non plus oublier les autres causes de gêne comme la fatigue, l’alcool, la drogue ou les médicaments (parfois cause de somnolence)
Les solutions techniques permettant de faciliter la conduite
- Les lunettes de soleil : Contre les éblouissements du soleil, rien de mieux que de porter des lunettes de soleil adaptées à votre vue. Attention toutefois à ne pas choisir un verre trop foncé sinon vous ne verrez rien lors de votre passage dans un tunnel.
- Les verres antireflets : Il existe des verres antireflets traités à l’avant et à l’arrière. Une étude (de Ross) a démontré que l’éblouissement est sensiblement diminué grâce aux traitements antireflets. Cependant ce ne sont pas les antireflets qui limitent l’éblouissement mais plutôt les verres non-traités qui l’augmentent.
- Les lunettes anti-éblouissement : De couleur orange, les lunettes anti éblouissement filtrent les composantes bleues de la lumière visible et bloquent une grande partie de la lumière énergétique. Ce sont les lunettes qui permettent le plus de réduire l’éblouissement. De plus elles améliorent le contraste visuel.
- Les lunettes de conduite de nuit : Pour la conduite de nuit, des lunettes avec filtres existent. Ces lunettes utilisées en basse vision, permettent d’améliorer la perception des contrastes. Le filtre orangé de ces lunettes de conduite de nuit est particulièrement indiqué pour les personnes ayant une grande sensibilité à la lumière et une mauvaise adaptation à l’obscurité. Seul inconvénient, ces lunettes de conduite rendent plus difficile la reconnaissance des couleurs.
Les autres solutions pour se déplacer
Les transports en commun peuvent limiter le désavantage de ne plus pouvoir conduire. Prendre le bus, le tram, le métro, le train ou l’avion, est souvent plus long. Mais les transports en commun sont aussi plus économiques et surtout le moyen le plus sûr d’arriver à destination sans problèmes, lorsque l’on est atteint d’une déficience visuelle. Seule ombre au tableau, la couverture des zones rurales par les transports en commun.
Les collègues, la famille, les auxiliaires de vie ou les transports spécialisés sont aussi des solutions qui existent pour se déplacer sans avoir à conduire. C’est certes plus contraignant, mais ces solutions permettent de faire la conversation et de lutter contre l’exclusion sociale.
Conclusion
Vous l’avez compris, il n’existe pas de science exacte qui permette de définir si oui ou non vous êtes apte à conduire votre voiture. Mais les indicateurs donnés par la loi ainsi que les tests qu’il est possible de réaliser chez votre ophtalmologiste (et même dans un simulateur de conduite si vous en trouvez un) permettent de donner de vous aider à prendre la bonne décision.
Si vous conduisez encore, consultez fréquemment un ophtalmologiste, surtout après 45 ans où les maladies dues au vieillissement commencent à apparaître. Au cours du temps, vos capacités visuelles fluctuent. Ces fluctuations physiologiques peuvent modifier votre capacité à conduire. C’est pourquoi il est important de consulter régulièrement un ophtalmologiste. Celui-ci vous aidera via des tests visuels, à savoir si vous pouvez continuer à conduire ou non.
Soyez responsable, ne prenez pas de risques inconsidérés, et n’en faites pas courir aux autres que vous croiserez sur la route. N’oubliez pas que le champ visuel décroît d’autant que la vitesse augmente. Alors pensez à adapter votre vitesse en conséquence.
Et pour ceux qui le peuvent encore, bonne route…