Les malvoyants, non-voyants et aveugles évoquent souvent le phénomène d’écholocation comme un moyen de détecter les obstacles ou la présence d’une personne à leurs côtés. C’est comme un sixième sens que l’on développe lorsque la vue fait défaut.
Mais alors se pose de nombreuses questions : Comment fonctionne ce phénomène ? L’écholocation est-elle réservée à certaines personnes ou est-ce innée ? Existe-t-il une méthode pour développer ce sixième sens ? Est-elle réservée aux aveugles et malvoyants ?
C’est à ces questions que nous allons répondre dans ce nouvel article.
L’écholocation, qu’est ce que c’est ?
L’écholocation est un processus qui utilise les ondes sonores pour évaluer la présence ou non d’un objet dans un espace donné. Cela consiste à émettre des sons et à écouter leurs échos pour visualiser l’espace donné.
En fonction de la durée écoulée entre l’émission du son et la perception de l’écho, la distance entre l’émetteur et l’objet varie.
Grâce à son système auditif et à son cerveau l’émetteur analyse l’écho, il mesure l’écart entre les réceptions et en déduit la distance de l’objet.
L’écholocation renseigne également sur la taille de l’objet. En effet plus l’objet est petit, moins il réfléchit de son et inversement, plus l’objet est grand, plus il réfléchit de son.
Aussi, un petit objet produit un écho assez court et plutôt net contrairement à un grand objet qui lui, produit un écho long mais pas très net : ce qui permet à l’émetteur, en fonction de l’intensité et de la durée de l’écho, de pouvoir donner une taille à l’objet.
De plus grâce à l’effet Doppler l’émetteur peut prendre en compte la vitesse relative de la cible ou de l’objet.
Enfin chaque type d’objet ou de cible marque l’écho de son empreinte ce qui permet à l’émetteur d’en fixer la nature.
L’écholocation, un processus naturel pour certains animaux
L’écholocation est connu pour être utilisé par les chauves-souris ou par les cétacés comme les dauphins ou les orques.
Ces animaux qui souvent évoluent dans des milieux sombres, dénoués de visibilité, comme dans les grottes pour les chauves-souris (et généralement de nuit) ou dans les profondeurs marines pour les dauphins et les orques. Ils utilisent alors l’écholocation pour analyser leur environnement et déjouer les obstacles.
De plus, avec l’aide de l’écholocation, les animaux localisent leur nourriture ou leurs proies.
Mais l’écholocation peut au contraire servir de système de défense.
En effet la cible peut intercepter les sons émis par son prédateur et donc prendre certaines mesures de défense.
Les marsouins, eux, utilisent une fréquence inaudible pour les orques, leur plus grand prédateur, ce qui leur permet de se protéger.
Mais ils y a des limites à cette pratique : pour les animaux vivant en réunion (chauve-souris et dauphins notamment), les émissions et les réceptions de leurs signaux peuvent être altérées par ceux de leurs homologues.
L’écholocation un nouveau sens développé par les aveugles et les malvoyants
De même que les dauphins et les chauve-souris, les hommes ont la capacité de développer le sens d’écholocation.
Bien entendu à bien plus faible niveau que les cétacés ou les chauves souris qui eux possèdent une région du cerveau consacré uniquement à cette tâche.
Les premiers à s’en servir sont les aveugles, les non-voyants et les malvoyants pour compenser la perte de vision.
Le premier à avoir développé l’écholocation est Daniel Kish. A travers son association World Access for the blind6, il enseigne cette méthode à des personnes aveugles.
Pour pouvoir utiliser cette méthode, ils émettent des sons avec leur canne, avec un claquement de langue ou de doigts et parfois même en tapant du pied.
Suite à ces sons les aveugles et les malvoyants analysent l’écho, en distinguent les caractéristiques pour évaluer leur environnement et éviter les obstacles.
Cependant, les personnes aveugles et les malvoyantes sont confrontées à l’illusion taille-poids, exactement comme les voyants. L’illusion taille-poids consiste à penser que plus l’objet est grand, plus il est lourd. Or si on prend une petite boîte remplie de plomb et une énorme boîte remplie de plume, la petite boite sera tout de même la plus lourde. On peut donc dire que l’écholocation à ses limites. De plus, du fait que l’écholocation nécessite la réception et le traitement d’échos très faibles, cela suppose un appareil auditif et un appareil neurologique de traitement très performant.
Les aveugles et les malvoyants utilisant ce système pour se guider peuvent identifier la présence, la taille, la distance et le mouvement de la ou des cibles compris dans leur environnement. Ce qui leur permet de se déplacer non seulement en évitant les obstacles statiques mais aussi ceux en mouvement.
Les premiers travaux scientifiques à ce sujet sont ceux de Michaels Supa et son équipe en 1944. Ils déterminent que ce sont bien les échos des sons émis qui permettent aux aveugles et aux malvoyants de déterminer la présence d’objets ou d’obstacles.
Depuis, de nombreux chercheurs se sont tournés vers la question et ont permis de démontrer que quand un aveugle ou un malvoyant utilise l’écholocation les régions cérébrales de la vision s’actionnent.
En effet, lors des expériences, le cortex visuel des personnes aveugles présentaient une nette activité lors des émissions sonores suivis de leur écho.
Or, en absence d’écho, une activité cérébrale nulle au niveau du cortex visuel était observée.
Un groupe témoin d’acuité visuel normal et n’ayant jamais pratiqué l’écholocation a pratiqué la même expérience. Les résultats montrent qu’aucune activité particulière dans le cortex visuel n’a été décelée.
Cette étude montre que d’après l’activité cérébrale, l’écholocation produit une scène « visuelle et spatiale » de l’environnement.
De plus, cette technique n’est pas innée, elle se travaille et se développe. On peut donc tout à fait affirmer que l’écholocation est une technique qui peut être apprise par un aveugle ou un malvoyant mais aussi par une personne d’acuité visuelle normale.
Cette étude montre que l’écholocation n’est pas seulement une aide pour les aveugles ou les malvoyants mais bien un 6ème sens remplaçant la vision.