En France, selon une enquête de l’INSEE, près de 1,7 millions de personnes sont atteintes d’un trouble de la vision et 50% d’entre elles sont inactives. Du fait de leur handicap, les personnes aveugles et malvoyantes rencontrent d’importantes difficultés d’accès à l’emploi.
Quelles sont les conséquences de la déficience visuelle au travail ? Comment pallier ces difficultés et favoriser l’intégration des personnes non-voyantes et malvoyantes en entreprise ?
Accès à l’emploi : les freins au recrutement des personnes déficientes visuelles
Publiée en décembre 2021, la quatrième édition du baromètre AGEFIPH/IFOP vise à mesurer la perception du handicap dans l’emploi par les dirigeants, les salariés et le grand public. Malgré une tendance favorable des employeurs affirmant être prêts à recruter davantage de personnes en situation de handicap, la personne déficiente visuelle apparaît encore, du point de vue des employeurs, parmi la plus difficile à intégrer.
Un accès limité à l’offre de formation
L’accès à la connaissance des personnes déficientes visuelles est impacté par le manque d’accessibilité des écoles, universités ou centres de formation (locaux, supports de cours, outils informatiques…). Le choix est donc aujourd’hui restreint pour suivre des études ou une formation qualifiante et c’est souvent à la personne de s’adapter au marché du travail en s’orientant vers un métier qu’elle n’a pas choisi mais qui peut être exercé sans contrainte d’accessibilité.
Cependant, nous assistons depuis quelques années à une évolution des métiers.
Même si l’accès à la formation tend encore à être amélioré, les personnes déficientes visuelles peuvent aujourd’hui exercer une multitude de métiers, dont des métiers innovants et porteurs grâce au développement des nouvelles technologies.
On connaît les traditionnels métiers exercés par les déficients visuels (malvoyants et non-voyants) que sont les métiers de téléconseiller, d’accueil, de secrétaire, de développeur informatique, d’accordeur de piano, de masseur ou de kinésithérapeute. Mais on voit aussi de nouveaux métiers apparaître dans la liste. Ainsi, on compte parmi les malvoyants et non-voyants des avocats, contrôleurs qualité, commerciaux, consultants, employés administratifs, gestionnaire banque ou assurance, ingénieur, responsable marketing, chargés de mission, ouvriers, magasiniers, psychologue, rédacteur juridique, assistante sociale, serveur dans le noir etc.
Une méconnaissance du handicap visuel
Les spécificités du handicap visuel et des aides techniques de compensation existantes sont méconnues, engendrant une crainte de la part des entreprises. Trop souvent, un employeur renonce au recrutement d’une personne déficiente visuelle car ce type de handicap est perçu comme très lourd et « fait peur ».
Pour de nombreuses entreprises, le handicap visuel apparaît comme étant l’un des handicaps le plus difficile à percevoir. Les informations diffusées au sein de l’entreprise étant pour la plupart du temps d’origine visuelle, il est difficile pour les employeurs de se projeter car ils craignent constamment une inadéquation du handicap visuel aux exigences du poste.
Pourtant, les technologies actuelles donnent aux personnes aveugles et malvoyantes les outils nécessaires afin de travailler mais encore une fois, les solutions de compensation technique du handicap sont méconnues de l’employeur, qui pense que le travailleur déficient visuel ne peut pas être opérationnel « techniquement ».
Les difficultés rencontrées sur le lieu de travail
Pour chacun d’entre nous, la qualité de vie au travail passe par un bien-être physique (confort dans les locaux de l’entreprise, poste de travail adapté) et un bien-être psychologique caractérisé par la relation avec nos collègues et notre hiérarchie. Il est parfois difficile pour une personne déficiente visuelle de réunir toutes ces conditions, ce qui entraîne des conséquences sur son intégration et son sentiment d’appartenance à l’entreprise.
Les conditions de travail
Un environnement de travail adapté est la condition essentielle pour limiter les désagréments liés au handicap et réaliser correctement les missions confiées.
Le manque d’accessibilité de nombreux outils informatiques (logiciels, sites internet…) freine le professionnel dans l’exercice de ses fonctions.
D’une part, l’employeur ne peut apprécier les réelles compétences de la personne et d’autre part, cette situation crée un écart entre la personne déficiente visuelle et ses collègues qui n’ont pas accès aux mêmes informations.
À cela s’ajoutent les lourdeurs administratives et le coût important du matériel qui représentent des efforts supplémentaires à fournir par l’employeur.
Face à cette réticence de l’employeur à s’investir dans le projet d’aménagement du poste de travail, la situation se dégrade et la personne ressent une véritable injustice, assimilée à un manque de reconnaissance.
En complément de l’aménagement du poste de travail, l’ensemble des locaux professionnels doit être accessible à une personne déficiente visuelle. Si la personne déficiente visuelle ne peut accéder, pour des raisons d’inaccessibilité, à l’ensemble des parties communes, elle ne pourra pas participer à toute la vie de l’entreprise.
L’isolement et la solitude
Devant un manque de reconnaissance, chaque personne a tendance à s’isoler et rester de plus en plus seule, à distance de ses collègues. Les conséquences peuvent être néfastes sur un plan individuel et collectif et nuire à l’épanouissement professionnel de la personne déficiente visuelle.
Effectivement, les moments de convivialité et d’échanges sur le lieu de travail sont indispensables pour maintenir la qualité de vie des salariés et développer un esprit d’équipe.
Cette sensation d’isolement a été renforcée par la situation sanitaire qui n’a pas facilité l’intégration des personnes handicapées, contraintes de télétravailler.
De l’irrespect à la discrimination
Souvent mal informés, les collègues peuvent parfois faire des commentaires qui, même s’ils partent d’une bonne intention, sont inadaptés, voire déplacés. Parfois, une simple conversation permet d’apaiser les esprits mais parfois, les personnes déficientes visuelles doivent faire face à des collaborateurs malveillants.
Encore aujourd’hui, les questions de discriminations demeurent parmi les difficultés les plus rencontrées par les personnes handicapées en entreprise. Moqueries, comportements irrespectueux ou remarques stigmatisantes de la part de collègues malintentionnés, les incitent à quitter le monde du travail.
Cependant, il faut savoir que des mesures en faveur de la lutte contre la discrimination existent pour combattre ces abus dont sont victimes de nombreux travailleurs handicapés.Qu’il s’agisse de la discrimination à l’embauche, du harcèlement sur le lieu de travail ou bien même de licenciement fondé sur le handicap, l’article L1132-1 du Code du Travail protège le salarié handicapé et punit lourdement les actes de discrimination.
L’évolution de carrière
Progresser au sein de la hiérarchie apparaît complexe quand on est déficient visuel, que ce soit pour le maintien dans l’emploi ou l’évolution de carrière des collaborateurs perdant la vue. De nombreux chefs d’entreprises considèrent encore, à tort, qu’une personne handicapée est par définition plus vulnérable et ne peut conjuguer handicap et évolution professionnelle. La tendance est plutôt à la déqualification et la disqualification.
Envisager une mobilité professionnelle au sein de l’entreprise peut être une solution proposée par les employeurs, à travers un accompagnement individualisé, mais le sujet est encore délicat au vu des opportunités trop peu nombreuses sur le marché du travail et des problèmes d’accessibilité de la formation professionnelle.
Les solutions pour faciliter l’intégration des personnes déficientes visuelles
Si le recrutement des personnes déficientes visuelles est jugé majoritairement difficile par les entreprises, il existe cependant des solutions pour faciliter l’accès ou le maintien dans l’emploi. Aujourd’hui, il est tout à fait possible de créer un environnement accueillant dans lequel la personne aveugle ou malvoyante a toute sa place et où elle n’est pas mise à l’écart à cause de sa différence.
Sensibiliser le collectif au handicap visuel
Afin d’améliorer la connaissance du handicap et de mieux comprendre le quotidien des personnes déficientes visuelles, il est nécessaire de sensibiliser tous les collaborateurs, managers et ressources humaines d’une entreprise à la déficience visuelle.
Actions de sensibilisation ponctuelles avec des mises en situation, initiations aux aides techniques de compensation, présentations d’aménagement de postes de travail… représentent diverses possibilités de favoriser la solidarité au sein de l’effectif d’une entreprise et mieux prendre en compte le rythme de chacun.
Objectifs : soulever les interrogations, modifier les représentations culturelles et lutter contre les idées reçues, prendre connaissance de la réalité et adopter le bon comportement face à une personne déficiente visuelle et faire découvrir l’existence des aides techniques.
Les équipes de CFLOU organisent des ateliers de sensibilisation au handicap visuel directement sur le site de votre établissement.
Un accompagnement sur le lieu de travail
Le baromètre Agefiph/Ifop confirme que les employeurs sont de plus en plus nombreux à vouloir bénéficier de l’appui d’organismes spécialisés. Cet accompagnement rendrait moins difficile le recrutement d’une personne en situation de handicap, d’autant plus s’il s’agit d’un handicap visuel qui est celui qui freine davantage les employeurs.
La présence d’un référent handicap au sein de la structure est donc essentielle pour une bonne intégration de la personne déficiente visuelle.
Un dispositif national, mis en place par le Gouvernement en 2016, permet de sécuriser le parcours professionnel en milieu ordinaire du travailleur handicapé. Il s’agit du dispositif d’emploi accompagné qui permet un soutien et un accompagnement du salarié ainsi qu’un appui et un accompagnement de l’employeur.
L’aménagement du poste de travail
Comme nous l’avons vu, il est indispensable d’améliorer les conditions de travail des employés déficients visuels dans un souci d’efficacité de l’entreprise mais également pour faciliter leur intégration au sein d’une équipe.
Faire une évaluation des besoins, en prenant en compte la pathologie, est indispensable pour l’aménagement du poste de travail d’une personne déficiente visuelle. Cette étude nécessite des compétences pluridisciplinaires qui permettent de proposer un aménagement adapté à son environnement personnel et professionnel.
Pour réaliser cette étude d’aménagement de poste de travail, nous vous invitons à vous rapprocher du CapEmploi de votre département ou des équipes de Cflou
Pour aller plus loin : Comment aménager le poste de travail d’un déficient visuel ?
Malgré une tendance plus favorable à l’embauche des personnes en situation de handicap, le handicap reste encore associé à des stéréotypes. La perception du handicap visuel dans l’emploi par les dirigeants est loin d’être satisfaisante et il y a encore du chemin à parcourir pour pallier les difficultés, à la fois dans la formation et le recrutement que sur les problématiques rencontrées sur le lieu de travail.